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Les Racines du ciel de Romain Gary

C. Glez
La Nation n° 2285 15 août 2025

Lauréat du prix Goncourt en 1956, Les Racines du ciel est un roman qu’on a relégué dans les oubliettes alors qu’il brûle d’actualité!

Morel, ancien déporté des camps de concentration, a trouvé en Afrique une cause absolue: sauver les éléphants. Pas de discours, pas de programme politique, juste une obsession: défendre ces géants de liberté. Il commence par récolter des signatures au Tchad et finit par prendre le maquis. Il rencontre au fil de son combat divers personnages qui se rallient à sa cause. Or Morel ne se bat que pour la défense des éléphants et n’entend pas donner de portée politique à ses actes.

Mais autour de lui, chacun réécrit le sens de son combat. Waïtari, compagnon d’armes de Morel, juriste formé à Paris et ancien député à l’Assemblée nationale, y voit une vitrine commode pour son «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes». Gary, lui, voit plus loin que le seul affrontement avec l’Occident. Dès 1955, il pressent les lendemains qui saignent, «les nouvelles Allemagne africaines et les nouveaux Napoléon noirs, les nouveaux Mussolini de l’islam, les nouveaux Hitler d’un racisme à rebours». Derrière la chasse à l’éléphant, c’est la liberté humaine qu’il défend et qu’il sent déjà menacée.

Les pachydermes, dans ce roman, sont plus qu’un symbole, car ils incarnent une idée pure, vaste, presque sacrée. Les Racines du ciel est souvent présenté comme le premier roman écologique. Peut-être. Mais s’il est si peu cité aujourd’hui, c’est qu’il n’a rien d’un catéchisme vert. Gary donne la parole à tous. Morel veut interdire la chasse; les habitants, eux, doivent manger et vivre. Waïtari raille l’Occident qui voudrait transformer l’Afrique en «jardin zoologique», sanctuaire immobile où l’homme disparaît derrière la faune.

Cette polyphonie empêche le roman de se figer en manifeste. Elle met à nu les contradictions, les angles morts, les illusions confortables. Morel n’est pas un saint, encore moins un prophète, car il est l’homme d’un absolu dans un monde de compromis. Et c’est précisément cette tension entre la pureté d’un idéal et la rugosité du réel qui fait des Racines du ciel un livre d’une grande actualité et d’une lucidité rare.

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