Esdras et Néhémie sont de retour

Lors du récent Synode ordinaire d’automne à Lausanne, les 8 et 9 novembre 2024, l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) a fait mention de ces deux personnages d’autrefois. Ils ont en effet marqué la restauration du Judaïsme après l’épreuve de l’Exil et l’édit de Cyrus, roi des Perses (558 à 528 avant notre ère), puis durant le règne d’Artaxerès (-465 à -424). Ces références sont intéressantes, parce qu’elles semblent définir aujourd’hui les deux pans importants d’une réforme institutionnelle de la gouvernance de l’EERV qui devrait s’achever au printemps de l’année 2029, sous le titre « Eglise 29 ». Cette ambitieuse réforme devrait permettre à l’Eglise réformée vaudoise de mieux remplir sa mission au service de toutes et tous au travers de structures administratives allégées et d’une proximité communautaire avec la population. Plus proche, plus dynamique, pour mieux transmettre une parole qui donne un sens à la vie, telle se synthétise l’ambition de cette réforme. La réforme précédente, intitulée « Eglise à venir » s’était achevée il y a vingt-cinq ans déjà.

Mais tout d’abord, quel a été rôle et la mission d’Esdras, ce restaurateur du « vrai » culte ? :

Esdras était un haut fonctionnaire de la cour perse, lointain descendant d’Eléazar, ce fils d’Aaron le grand prêtre. Il était versé dans « la connaissance des Ecritures ». Lorsqu’il arrive à Jérusalem, chargé d’une mission officielle par Artaxerès, il a été frappé de voir un état de choses assez peu fidèle à la tradition juive, en particulier à cause des nombreux mariages entre juifs et femmes « étrangères »¹.

Au chap. 10 de ce livre d’Esdras, v.2, il est même fait mention de cette suggestion d’un nommé Shekanya faite à Esdras : renvoie toutes les femmes et leurs enfants ! Cette épuration ethnique pour des motifs religieux était courante à cette lointaine époque, bien que certains textes montrent que le mariage avec des étrangères était parfois toléré. Or Néhémie applique aussi ici les consignes d’Esdras. (Néhémie, chap. 13, v.23 à 25, version TOB).

Esdras va donc mettre en application les ordres reçus d’Artaxerès. Ce « Livre d’Esdras » s’achève ainsi par une impressionnante « Liste des coupables » parmi les fils des prêtres qui avaient pris des femmes étrangères.

La mission de Néhémie :

Elle a surtout consisté à rebâtir les portes et réparer la totalité de la muraille de Jérusalem, sous la menace des ennemis locaux: ceux qui bâtissaient la muraille et ceux qui portaient et chargeaient les fardeaux travaillaient d’une main et de l’autre tenaient une arme. Quant à ceux qui bâtissaient, chacun bâtissait une épée attachée à ses reins².

Dans sa terminologie au sujet de cette réforme « Eglise 29 », et parmi les 24 « pierres angulaires » recensées (en particulier celle des communautés paroissiales qui fédéreront des entités nouvelles, nommées « ecclésioles »), il y a là une belle référence à Néhémie. Puissent ces « pierres angulaires » se poser sans la menace d’ennemis locaux ou étrangers !

Or, les résistances des paroissiennes et des paroissiens de l’EERV vont être vives, surtout au niveau des onze régions actuelles, jugées trop grandes à l’usage, face à ce nouveau découpage³. Une récente assemblée de paroisse (Région 7), le dimanche 17 novembre écoulé, a par exemple déclenché un vaste débat à ce sujet.

Ce débat ne fait que commencer. Les déléguées et délégués aux régions ont du pain sur la planche durant ces quatre prochaines années. Afin de réaliser cette proximité communautaire avec une population de plus en plus mélangée.

André Durussel

¹   TOB, AT, Edit. du Cerf, 1980, introduction, p.1721, chap. 7-10. Voir aussi: Esdras, chap.9, v.12.

²   Néhémie, chap. 4, v.11à 12, Version TOB

³     NDLR: rappelons que, dans le projet «Eglise 29», les régions sont supprimées, d’où une clarification institutionnelle bienvenue.