L’amour des lois règne-t-il aussi dans les caravanes?
Défécations en public tolérées près d’une école pendant six mois, fourgon de police incendié, rivière polluée, infractions et incivilités innombrables, accords non respectés: qui a oublié les scènes lamentables offertes par les occupations de gens du voyage étrangers en terres vaudoises? Bussigny et le quartier de la Bourdonnette à Lausanne, entre autres, en ont particulièrement souffert.
A l’occasion d’un entretien du mercredi, M. Laurent Curchod, coordinateur et médiateur pour les gens du voyage du Canton de Vaud, est venu brosser un portrait de la situation. Représentant de l’Etat, son rôle est très concret: servir d’intermédiaire entre les communautés nomades et la police à l’arrivée d’une caravane sur le territoire, et surtout trouver, dans l’urgence, des lieux d’établissement temporaire. Il s’agit alors de négocier avec les autorités communales et les propriétaires de terrains privés.
Il est principalement question ici de gens du voyage étrangers, venus de France ou d’Espagne, plutôt que des communautés yéniches suisses, en général de plus petite taille et plus intégrées. Le phénomène est également distinct de la mendicité rom, qui concerne d’autres communautés.
La présentation de M. Curchod, honnête et factuelle, a principalement porté sur l’histoire et la spécificité du mode de vie des gens du voyage passant en Suisse romande. Autrefois catholiques, beaucoup sont désormais pentecôtistes. Ils voyagent en groupe de plusieurs dizaines de caravanes, jusqu’à 90, et privilégient les cantons de Vaud et Genève pour des raisons géographiques et économiques. Ils se rendent rarement en Valais, la tolérance policière y étant sans doute moindre. Du fait de leurs nationalités, ils bénéficient de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Certains ont parfois accès à la sécurité sociale française, d’autres disposent de raisons sociales et de plaques d’immatriculation suisses.
Les occupations illégales massives des gens du voyage dont la presse s’est faite l’écho ces dernières années amènent certes leurs lots de déprédations. Les autorités vaudoises semblent avoir été dépassées par l’ampleur prise par le phénomène depuis la pandémie.
Faut-il pour autant être hostile à la survivance, dans les anfractuosités des structures étatiques et économiques modernes, d’autres modes de vie et cultures traditionnels? Nous ne le pensons pas. Si des populations souhaitent vivre en marge de l’écrasante normativité contemporaine, pourquoi pas? Un accès réduit aux services publics de base – disons, l’école et les soins – contre moins d’impôts et plus de liberté, cela paraît un marché acceptable.
Mais toutes les populations qui prétendent vivre – même passagèrement – dans le pays doivent être logées à la même enseigne quant au respect de l’ordre public. Les autorités ne doivent pas se résigner à l’impuissance et peuvent utiliser le cadre légal existant. Par exemple, l’ALCP permet-elle des interdictions de territoire aux groupes ayant par le passé causé des dégâts? L’Etat doit-il dédommager les communes et les propriétaires réduits à installer, à leurs frais, des blocs de béton sur leurs terrains pour en interdire l’occupation illégale? Doit-il mieux se coordonner avec les polices cantonales et les autorités fédérales sur la frontière occidentale pour canaliser et encadrer dès que possible l’entrée des caravanes sur le territoire vaudois? La loi fédérale sur la circulation routière doit être appliquée à tout le monde de la même manière. Et, cas échéant, des modalités de saisies après amendes et d’expulsions doivent être aménagées et appliquées dans les faits.
Comme en matière de mendicité, de drogue et de vandalisme, reste la lancinante question de la volonté politique. Il peut sembler un peu court de réduire la complexité du problème à un savant dosage entre laxisme et rigueur. Mais les autorités doivent bien cette fermeté aux citoyens vaudois, qui n’acceptent plus un traitement différent et des règles moins sévères dont ont bénéficié les dernières grandes caravanes passées en Suisse romande, que les autorités semblent surtout avoir toléré par pusillanimité – pas de vague – et dans l’espoir de les voir décamper au plus vite.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Les gargouilles ne sont pas républicaines – Editorial, Félicien Monnier
- Droit international: attention! – Jean-François Cavin
- Esdras et Néhémie sont de retour – On nous écrit, André Durussel
- Lavaux de A à V – Jean-François Cavin
- Double soumission – Olivier Delacrétaz
- Le fédéralisme menacé par le droit international – Xavier Panchaud
- Occident express 130 – David Laufer
- Un démocrate – Jacques Perrin
- Notre patrimoine bâti – Benjamin Ansermet
- Le Canton contre la cancel culture – Le Coin du Ronchon